Analyse sectorielle – Culture en serre

Le secteur de la culture en serre scruté à la loupe 

Pour le première fois, l’équipe du Baromètre de l’innovation du Québec dévoile une analyse sectorielle dédiée au secteur de la culture en serre. Celui-ci a été choisi, car malgré l’apparence d’un désavantage climatique, le Québec possède des atouts (ressources humaines, énergétiques et situation géopolitique) pour l’exploiter avantageusement. 

« Il s’agit d’un premier pilote à être réalisé à l’échelle d’un secteur industriel par l’équipe du Baromètre de l’innovation. Le but étant, entre autres, de comprendre les dynamiques d’un secteur en particulier et de documenter comment les acteurs travaillent ensemble. Il s’agit aussi  d’appréhender les limites qui peuvent survenir lors de l’évaluation d’un secteur au fur et à mesure de la recherche d’une plus grande granularité », indique Loick-Alexandre Gautier directeur principal de l’institut de l’innovation.

Il précise : « Par l’opérationnalisation de cette démarche sectorielle, l’équipe du Baromètre souhaite éventuellement renforcer la capacité de prise de décision et d’actions des acteurs de différents secteurs clés de l’économie québécoise ». 

Et comment qualifier le secteur de la culture en serre ? « Il semblerait que le Québec soit en excellente position pour développer un avantage compétitif fort dans le domaine serricole, voire une expertise en agriculture nordique. En effet, considérant la rentabilité de l’industrie, les faibles coûts de l’énergie et la forte demande locale, les conditions sont réunies pour favoriser l’émergence de nouveaux procédés et de nouvelles technologies ». 

 

Le secteur en chiffres

Le secteur de la culture en serre, aussi appelé serriculture, se définit comme « toute exploitation de fruits, légumes et autres végétaux dans des conditions isolées et contrôlées ». Présentement, la culture de tomates de serre domine au Québec (26 935 tonnes), suivie du concombre (19 430 t), de la laitue (7 767 t) et du poivron (1 753 t). Bien que la production en serre soit présente sur tout le territoire de la province, les trois régions productrices qui y consacrent le plus de superficies sont la Montérégie (24 %), les Laurentides (20 %) et le Centre-du-Québec (13 %). 

Le Québec est le 3e plus important producteur de culture en serre au Canada en termes de produit intérieur brut (PIB). Notons néanmoins que le PIB du secteur a crû de 20 % sur la période de 2011 à 2021, soit 3 % de plus que la croissance industrielle moyenne. C’est donc un secteur qui a le potentiel de propulser l’économie québécoise.  

Par ailleurs, de façon générale, le secteur agricole québécois (culture en champ et en serre) produit en volume l’équivalent des deux tiers de la consommation provinciale de fruits et légumes. Malgré la croissance de la production de fruits et légumes de serre au Québec, la filière représente environ 50 % de la consommation québécoise de légumes en 2021. L’industrie a donc encore un large potentiel pour développer le marché local.  

Mentionnons que le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne, avait précisé en 2020 que sa Stratégie de croissance des serres permettra d’appuyer le développement serricole au Québec en faisant passer la superficie de production de 123 à 246 hectares. « Nous sommes en bonne voie d’atteindre et même de dépasser notre objectif d’ici 2025; il y a actuellement 61 hectares de serre en construction », avait-il affirmé.

Des enjeux et des opportunités 

Au fil de l’analyse réalisée par l’équipe du Baromètre, différents enjeux ont été identifiés pour le développement du secteur : 

  • Le besoin de formation et la rétention d’une main-d’œuvre de plus en plus spécialisée et l’attrait de main-d’œuvre temporaire, souvent étrangère; 
  • La gestion énergétique notamment des sources de chaleur avec des redondances pour les situations d’urgence, des systèmes de déshumidification et des sources lumineuses; 
  • La conception de serres fermées permettant une optimisation des paramètres spécifiques à certaines cultures, l’intégration des systèmes de contrôle, la modélisation de ces paramètres et l’utilisation de matériaux de construction appropriés; 
  • Le besoin d’un centre intégré de référence technologique pour l’industrie québécoise et de serre-laboratoires connectées aux centres de recherche appliquée et de formation spécialisée; 
  • La nécessité de développer et sécuriser des réseaux et des chaînes de distribution. 

 

Des opportunités sont aussi bien présentes, comme la possibilité de capitaliser sur les opportunités que représentent les changements climatiques, l’engouement des investisseurs pour la filière et les opportunités d’exportation. 

D’ailleurs, les travaux permettent de conclure que le potentiel de développement serricole serait particulièrement élevé : 

  • pour les cultures de fruits et légumes en serre de grandes surfaces, tout en tendant vers une diversification des produits, en introduisant une robotisation avec gestion numérique des serres et en axant sur l’accès aux réseaux de distribution de grandes chaines alimentaires;  
  • pour les cultures urbaines en maximisant l’empreinte des toits, en minimisant les espaces de culture (agriculture verticale) et le recyclage des déperditions de chaleur résidentielles et industrielles; 
  • pour les cultures de petites surfaces en serres froides pour des cultures résistantes, comme les carottes, épinards, laitues et choux, mais qui présentent encore un défi de mécanisation; 
  • pour les cultures de serres fermées spécialisées.

Pistes de solution  

Les travaux de l’équipe du Baromètre de l’innovation l’ont aussi conduite à nommer des pistes de solutions afin de faire face aux enjeux. Il est permis de croire qu’une mise en œuvre de ces pistes par les acteurs du secteur pourrait contribuer favorablement à son développement. 

Formation 
  • Création de nouvelles formations spécialisées intégrant des notions de génie, de robotique, de gestion de systèmes à contrôle numérique, d’apprentissage par les données et répondant aux besoins techniques grandissants des serres intelligentes; 
  • Mise en place d’une initiative du ministère de l’Enseignement Supérieur (MES) pour appuyer plus spécifiquement des centres de formation dans le domaine avec des programmes de formation adaptés aux besoins des exploitants serricoles et permettant de rehausser l’efficience de cette filière; faciliter l’intégration de technologies innovantes et rendre la recherche et le développement (R&D) plus accessible.  
  • Mettre des aides financières à disposition des campus déjà actifs dans ce domaine: les Fonds de Recherche du Québec (FRQ), le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et le ministère de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation (MAPAQ) pourraient jouer un rôle-clé dans ce domaine ; 
  • Revaloriser les professions spécialisées telles qu’agronome, chef de culture, technicien serricole ou contrôleur de qualité pour y attirer une relève dynamique. 
Gouvernement 
  • Proposer la création d’un sous-comité du comité interministériel de la recherche et de l’innovation (CIRI) avec l’objectif de développer un plan d’action impliquant les acteurs-clé de l’écosystème serricole; 
  • Doter le MAPAQ d’une unité apte à identifier les technologies de pointe (veille), à analyser les projets d’investissement qui pourraient les incorporer et à recommander les prises de risque nécessaires pour ces derniers à l’instar d’autres ministères; 
  • Développer davantage le secteur en accroissant les surfaces de production serricole, en augmentant la productivité des serres, en diversifiant les cultures et en misant sur les exportations; donc de poursuivre les mesures incitatives qui ont été initiées par le MAPAQ. 
Innovation et recherche 
  • Démarrer et financer, en partie par le public, une initiative de regroupement ou de consortium public-privé pour la réalisation de serres-laboratoire ou vitrines sur plusieurs sites pour faciliter l’expérimentation et l’innovation. Cette initiative viserait aussi à permettre de mieux regrouper une expertise qui est présentement disséminées. 
Financement 
  • Capitaliser sur des investissements massifs en exploitations serricoles pour développer les entreprises connexes impliquées dans l’automatisation et la gestion énergétique des serres du futur en se donnant comme objectif de devenir une vitrine mondiale de culture serricole nordique. 

  

« Les diverses recommandations proposées ne pourront avoir d’impacts que si elles sont portées par des acteurs influents, collaboratifs et motivés par la volonté de faire une différence pour leur secteur, mais aussi et surtout pour la société québécoise », lit-on dans le rapport. Il revient donc maintenant aux acteurs du secteur de se mobiliser afin de les mettre en application.

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